Il y a presque dix ans, Mathieu Ferrier, alors photographe spécialisé dans les objets d’art, a eu une véritable prise de conscience en s’intéressant à la composition des produits cosmétiques. Bouleversé par ses découvertes, il a tout quitté pour s’installer à Saint-Lizier, en Ariège, et fonder « Les inspyrées », une marque de soins 100 % naturels. Rencontre.

Il y a pratiquement dix ans, Mathieu Ferrier, alors jeune photographe parisien spécialisé dans les objets d’art, a vécu une véritable prise de conscience… Sa nièce, confrontée à une puberté précoce, l’a amené à s’interroger sur les produits cosmétiques que nous appliquons quotidiennement sur notre peau.
En explorant ce milieu, il a surtout découvert une réalité alarmante : de nombreux soins censés protéger la peau contiennent en réalité des ingrédients inertes ou synthétiques – dérivés de pétrole, silicones, PEG, tensioactifs sulfatés – qui perturbent son fonctionnement naturel. Or, une peau en bonne santé doit être stimulée et capable de se protéger par elle-même.
Face à ce constat, Mathieu a pris une décision radicale. Il a abandonné la photographie, confié son agence de photo culinaire à ses collaborateurs et renoncé à une carrière toute tracée pour s’installer à Saint-Lizier, un village de l’Ariège encore préservé de la pollution industrielle et de l’agriculture intensive, où l’eau est « d’une qualité exceptionnelle ».
« Mon métier n’était plus en accord avec mes valeurs. Travailler avec des marques, voir l’obsolescence programmée des équipements, la pollution numérique… J’ai réalisé que le milieu de la photographie était loin d’être écologique. Je n’étais même plus en mesure de toucher à un appareil photo… », raconte le quadragénaire, ce mercredi 29 janvier, dans son atelier-laboratoire posé au pied des montagnes.
Des cosmétiques naturels adaptés à tous types de peau
Cet atelier, il l’a installé au sous-sol de sa maison, peu après son emménagement en 2016 en Ariège. Avec son ami Nicolas, pharmacien à Saint-Girons, ils ont fondé Les inspyrées pour proposer une alternative aux crèmes hydratantes classiques, adaptée à tous types de peau. « Une crème, c’est surtout beaucoup d’eau. Pour stabiliser cette eau et la mélanger aux corps gras, on ajoute souvent des émulsifiants. À force d’en utiliser, la peau devient dépendante et ne sait plus produire son propre film hydrolipidique », explique le créateur ,qui a donc choisi d’adopter une approche inverse en concevant une routine de soins 100 % végétale. « Pour formuler nos soins, nous ne nous basons pas sur des parfums, des textures ou des innovations promues par l’industrie cosmétique conventionnelle mais uniquement sur des ingrédients assimilables par la peau », précise ce dernier.
Avec son équipe (1), il développe ainsi des produits à base d’huiles bio – bourrache, pépin de raisin, figue, olive – qu’ils mélangent dans leur laboratoire. Leurs savons, fabriqués à froid, contiennent notamment des huiles précieuses comme le babassu et le beurre de karité.

« Nous privilégions aussi les matières premières locales, comme l’hydrolat produit dans le village d’Uchentein et la rose du Mas-d’Azil », précise le cosméticien. Chez Les inspyrées, pas d’eau ni d’émulsifiants inutiles : chaque ingrédient joue un rôle actif pour la peau.
« L’objectif n’est pas de produire en grande quantité ni de générer des profits conséquents, mais au contraire, d’adopter une démarche engagée et anticapitaliste en proposant des produits entièrement faits à la main et localement », souligne Mathieu, qui ajoute : « Ne vous fiez jamais aux promesses des étiquettes. Prenez le temps de lire la liste des ingrédients ».
D’ailleurs, soucieux d’être le plus transparent possible avec ses clients, il ouvre volontiers les portes de son laboratoire, uniquement sur rendez-vous, offrant ainsi une occasion unique de découvrir son approche et ses créations, et d’échanger sur une cosmétique plus naturelle et responsable. Depuis l’été dernier, le créateur retrouve même peu à peu le plaisir de la photographie en capturant quelques clichés lors du festival Castel Artès à Mirepoix.
Clémentine Rivière
(1) Aujourd’hui, l’équipe a évolué. Il y a cinq ans, Nicolas a cédé sa place à Nikita, 31 ans, qui s’est formé en médecine alternative et en études de droguiste en Suisse. Puis, il y a quatre ans et demi, Laetitia les a rejoints. Retrouvez les produits et conseil de la marque sur le site lesinspyrees.com
« Sous la douche, une toute petite quantité suffit » : des savons aux trois huiles végétales

« Fabriquer un savon, ce n’est pas si compliqué… », explique Mathieu Ferrier, toujours dans son atelier-laboratoire à Saint-Lizier. Les savons qu’il propose sont en effet fabriqués à base d’huile d’olive, de beurre de babassu et de beurre de karité, et sont produits artisanalement par saponification à froid. Sans huile essentielle, ils s’adaptent à toutes les peaux et conservent naturellement leur glycérine végétale; un atout précieux pour l’hydratation. Ces trois ingrédients sont soigneusement pesés puis chauffés à 40 °C avant d’être mélangés avec de la lessive de soude. En quelques minutes, la texture s’épaissit et prend une consistance proche d’une mayonnaise. Le mélange est ensuite versé dans des moules et, une fois solidifié, découpé. La cure dure environ un mois et demi pour garantir un savon doux et bien séché. « Sous la douche, une toute petite quantité suffit », précise le cosméticien. Car, oui, l’idée c’est d’être à l’écoute de sa peau et d’utiliser ces produits – que ce soient les huiles ou les routines de 3 à 6 mois proposées par la marque – en petite quantité et uniquement quand vous en ressentez le besoin, pour laisser votre peau respirer et… vivre. « Une peau en bonne santé repose avant tout sur une alimentation équilibrée et peu de savon », aime rappeler Mathieu. En moyenne, l’équipe produit 5 000 savons par an, « tandis qu’une savonnerie beaucoup plus grande peut atteindre 30 000 unités par an », précise le fondateur. Qui a ainsi largement divisé son salaire en créant Les inspyrées, mais pour rien au monde il ne retournerait dans son petit appartement pour retrouver la pollution parisienne…
Publié le 30 janvier 2025 sur La Dépêche